L'être qui travaille se dit : Je veux être plus puissant, plus intelligent, plus heureux – que – Moi.
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Non pas seulement le futur à prévoir, mais l'avenir à libérer.
Jacques Rancière

mercredi 14 décembre 2011

Créer – Le Terrier - Franz Kafka

« Enfin après cinq mois de ma vie pendant lesquels je n’ai rien pu écrire dont je fusse satisfait, cinq mois qu’aucun pouvoir ne me rendra bien qu’ils fussent tous dans l’obligation de le faire, l’idée me vient de m’adresser à nouveau la parole » Journal 1910
« J’ai organisé mon terrier et il m’a l’air bien réussi. » Le terrier 1924

Le Terrier c’est quoi ?
Le corps ?
La conscience ?
La foi ?
Un Terrier ?
Une nouvelle de Kafka.

En tous cas c’est l’histoire d’une bête-narrateur qu’on ne saurait définir par la taille, l’espèce, la forme ni la couleur. Dans un labyrinthe de galeries, cet être use de stratégie et de tactique afin de bâtir, construire et entretenir son terrier, un lieu de repos sécurisé contre les menaces extérieures. Il engrange des provisions, les amasse puis les déplace, les éparpille, les rassemble plus loin, continue à creuser, répare et ne cesse de penser à sa défense imaginaire.

Ce qui est génial avec Kafka c’est qu’il ne fait pas de métaphore. On le lit toujours au sens propre. Et pourtant ce sens premier, précis, détaillé, minutieux, quotidien, reflète par éclats le monde entier et permet mille interprétations. Kafka ne fait pas d’allégorie, il décrit le monde lui-même comme équivoque. Pas de Sens unique, mais un sens que chacun doit traduire pour soi. Kafka le Kaléidoscope.

Alors voyons le Terrier comme symbole de la conception d’une Œuvre d’Art. D’ailleurs le Terrier (Bau en allemand) peut aussi être traduit par Construction. Il me semble alors que la nouvelle permet de comprendre de l’intérieur, la subjectivité de celui qui essaie de bâtir une Œuvre. La meilleure chose que j’ai lue sur la Création.

Traduction éphémère:
- Le terrier = L’œuvre telle qu’on la voit. La forme de l’œuvre
- La citadelle = Le sens. Le fond de l’œuvre
- Les provisions = les Idées

La question du Sens

« En un point qui n’est pas tout à fait le centre du terrier […] j’ai bâti ma citadelle. Alors que le reste était plutôt un travail de combinaison, une besogne de l’esprit, cette forteresse est en toutes ces parties le résultat d’un labeur harassant de mon corps. ».

Au centre du terrier il y a cette citadelle.
Au centre de l’œuvre posons qu’il y a la Signification.
Disons que chaque œuvre possède en son creux un Sens, une Position sur le monde, ou sur l’Art lui-même. Un centre indicible que la forme de l’œuvre va devoir déployer. Ces formes, mots, coups de pinceau, images, morceaux de pellicule, sont combinaisons de l’esprit, jeux, agencements qui se déplient tous à partir de ce Noyau du Sens, de cette forteresse interne à l’œuvre. Or ce sens, pour Kafka, est forgé par le corps, cette vigie à partir de laquelle nous interprétons tout ce qui advient. Ainsi chaque corps peut inventer, proposer, créer un Sens qui serait comme un trésor au centre de son œuvre.

Après viendra le temps de l’interprétation, de l’exhumation du Sens, de la prise de la citadelle.
On pourra dire que le sens a été caché par l’Auteur et qu’il faut donc plonger à sa recherche.
On pourra dire que le sens, ce n’est que ce que l’on voit et donc analyser le jeu des Formes.
On pourra dire que le sens est une coopération entre le spectateur et l’œuvre, sans cesse renouvelé.
Il faudra donc soit faire de l’archéologie pour retrouver la Citadelle du Sens.
Soit faire de l’esthétique pour évaluer son architecture extérieure.
Soit faire de la traduction pour traduire le Sens dans sa Langue.

Mais j’imagine assez que quiconque ne sera pas poussé par son corps à produire du sens, comme une sécrétion défensive, n’aura rien à mettre dans son œuvre et produira des formes dont nous n’aurons rien à dire. Rien à dire de Troublant. Rien à dire d’Emouvant. Rien à dire d’Intéressant. Construire une œuvre c'est laisser son corps se défendre du monde.

Le Doute

« Plusieurs fois dans, dans le désespoir où me plongeait l’épuisement physique, j’ai failli tout abandonner, je me suis roulé sur le dos, j’ai maudit le terrier, je me suis trainé dehors et je l’ai planté là sans même le fermer. Rien ne m’en empêchait, je ne voulais plus y revenir; et puis des heures, des jours après, je revenais plein de remords, j’aurais presque chanté de joie en le voyant si invulnérable et je remettais à l’œuvre avec un sincère bonheur. »

Celui qui crée une œuvre doute de sa réalisation même.
L’œuvre est à la fois le fardeau et l’allégresse du Créateur.
Il vent s’en échapper, mais il ne peut y échapper.
Et sa contemplation est sa plus grande joie.


Difficultés

«Le travail que nécessitait la place forte s’aggravait inutilement (par inutilement j’entends que le terrier proprement dit ne profitait pas de ce labeur supplémentaire), ce travail, dis-je, s’aggravait inutilement de ce que l’endroit où le plan voulait que je le bâtisse, la terre était toute friable, toute sablonneuse, il fallait littéralement la damer pour pouvoir obtenir cette grande place bien voûtée et bien ronde. »

Construire la citadelle du Sens est un travail physiquement exténuant. Car le Monde n’a pas de Sens. Il faut donc construire sur un terrain instable, mouvant, fantomatique. Il faut mille travaux spirituels pour traduire ce que le corps nous fait entrevoir de façon subtile, instinctive, fugace, en Signification Sure, Dure, Stable, Durable, Permanentent. C’est un travail invisible, puisque de toute façon le sens n’apparait pas, il est dilué dans les formes, voilà pourquoi Kafka dit que le reste du terrier n’en profite pas. Travailler sur le Sens paralyse le Jeu des Formes. Penser au sens bloque le travail esthétique.

Mais si le Sens est consusbtantiel à l'Oeuvre, il n'est évidement pas entièrement préalable à son édification. Au contraire ce qui est indistinct, imprécis, se figure plus nettement par la création des formes même de l'oeuvre. Le contour du Sens se précise par le Travail même des Formes. Plus encore, la création de Formes apporte des pierres à la Citadelle du Sens. C'est là le bonheur de la création comme reflet de soi. Reflet toujours plus Clair. Plus Vrai. Plus Consistant.

C'est en forgeant que l'on sait pourquoi et comment l'on forge.

Mettre sa Peau

« C’est donc avec mon front que mille et mille fois, la nuit, le jour, je me suis jeté contre la terre, heureux quand ma tête saignait, car c’était une preuve que la paroi commençait à devenir solide; on m’accordera qu’à ce prix là j’ai bien gagné ma place forte. »

Encore une fois, la création d’une signification, de valeur vraiment singulière est un travail éprouvant, physiquement épuisant, c’est le corps qui se jette sur l’indifférence du Monde pour y creuser une place.
« J’ai cessé d’être écrivain, n’est-ce pas, pour devenir un chroniqueur. Alors j’ai mis ma peau sur la table, parce que, n’oubliez pas une chose, c’est que la grande inspiratrice, c’est la mort. Si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien. Il faut payer ».
Céline

Attraper des Idées

« C’est la que je groupe mes provisions; tout ce que j’attrape à l’intérieur de mon terrier en plus de mes besoins du jour et tout ce que je rapporte de la chasse quand je sors, je l’entasse dans cette endroit. Il est si grand que les provisions de six mois ne le comblent pas. Aussi puis-je les étaler, me promener à travers, m’en servir pour mes yeux, jouir de leur multitude, de leurs parfums divers et en garder toujours l’inventaire dans l’œil. »

Pour construire du sens, il ne suffit pas d’écouter sincèrement les instincts de son corps. A l’intérieure de la citadelle de la signification, il faut aussi y amener des idées, des provisions, que l’on a capturé dans le monde, ou dans sa sensibilité. Voilà le rôle de la culture. Plutôt qu’un supermarché pour discours inutile, c’est le lieu où l’on va puiser les ressources qui nous servirons à entretenir l’œuvre, à alimenter le sens que l’on se construit. De plus la culture amène une forme de plaisir, de jouissance. Nourrir son esprit.

Planification

« Ainsi suis-je toujours en état d’entreprendre de nouveaux rangements, de formuler mes prévisions et de dresser mon programme de chasse conformément à la saison. »

Construire une œuvre c’est sans cesse planifier, lire d’autres œuvres en fonction de la sienne, lier sa vie à ce que l’on doit faire. Le danger est d’en rester au Plan.

Se Refermer
« Je connais des périodes où je suis si bien pourvu que le menu fretin qui vient gratter par là, tant les vivres m’intéressent peu – et c’est peut être, à d’autres titres une imprudence. »

Parfois la curiosité se tarit. On a l’impression d’en savoir assez. D’avoir assez donné à manger à son esprit, d’être repus. C’est le plus grand danger. On ne sait jamais rien. On a jamais vraiment rien vu, jamais rien lu. Car il faut revoir. Relire. Relier.


Irriguer l’œuvre
« Il me semble parfois dangereux de concentrer toute la défense au cœur de la place; la diversité du terrier m’offre tant d’autres possibilités! Ne serait-il pas prudent de disperser légèrement les provisions et d’en pourvoir de petites places? Je me réserve donc une sur trois ou une sur quatre de ces places pour stocker, et une sur deux pour lui servir d’annexes. »

Existe-t-il un sens univoque pour chaque une œuvre ? Chaque artiste ne creuse t-il qu’une voie, qu’un terrier ? La question se pose. La plupart des artistes, génies monstrueux excepté, répètent la même chose, n’ont qu’un style qu’ils déploient sous différent angles. Maintenant cette chose qu’ils répètent est-elle unique? Ou bien est ce quelque chose de multiple, contradictoire, qui ne se résume pas et qu’il est donc difficile de mettre en œuvre ? Et puis doit-on tout concentrer dans une œuvre, à la Proust, ou multiplier les manières, les approches, disperser le sens, le fragmenter dans milles œuvres à la Artaud?

Sisyphe
« L’exécution de chacun de ces nouveaux plans exige à vrai dire un énorme travail de portefaix ; il faut recommencer mes calculs et porter ensuite les fardeaux à leur nouvelle place. »

Créer c’est sans cesse briser tout ce que l’on a fait, pour mieux le refaire. C’est Pénélope et sa tapisserie. Créer est une charge infinie. Un puzzle dont on n’aurait pas l’image finale. En plus les morceaux du puzzle c’est à nous de les découper.

Agencement
« Ce qui m’ennuie c’est de me réveiller soudain, en général à la suite d’une peur, et de penser que la répartition de mes vivres est peut être mal comprise, qu’elle risque de m’amener de grands dangers er qu’elle demande à être immédiatement réorganisée dans égard pour mon sommeil ni ma fatigue, alors je vais, alors je vole, alors je n’ai plus le temps de réfléchir ; moi qui allais exécuter un nouveau plan des plus précis, je saisis au hasard ce qui me tombe sous la dent, je traîne, je porte, je soupire, je halète, je trébuche et je me contente de n’importe quelle modification de cette répartition du moment qui me parait si super-dangereuse ; jusqu’a ce qu’enfin, petit à petit, la froide raison revienne avec le vrai réveil et qu’alors, ne comprenant plus ma précipitation, je respire profondément cette paix de ma maison que j’ai troublée ; je retourne à mon poste de sommeil, je m’endors aussitôt, écrasé par ma nouvelle fatigue, et je découvre à mon réveil – irréfutable preuve de ce travail de la nuit qui ne m’apparaissait déjà plus que comme un songe – un rat qui me pend entre les dents. »

Une fois que l’on a cerné le Sens que l’on veut déployer, il s’agit de le traduire en forme. A mon sens c’est un travail alors instinctif, pulsé, éjaculé, si l’on est en connexion avec l'Origine de ce que l’on veut dire, la forme sort d’elle-même. Mais vient alors le doute, le premier regard sur ce qui vient d’être fait. Alors on réagence, on transforme, on triture, on intertextualise, on réorganise, on malaxe, on redispose les formes comme on jouerait avec un grand légo. C’est un travail à la fois physique et jouissif. Le travail de la matière. L’artisanat. Puis la raison revient avec la fatigue, le texte, l’œuvre refroidit, se rigidifie, on peut se reposer et laisser se reposer les formes.
A mon avis l’un des meilleurs extraits de la nouvelle.
Et puis cette image complètement Alien ; ce rat qui pend entre les dents. Récompense du travail accompli ?

Folie et Multiplication des Sens

« Il y a aussi d’autres moments où je recommence à penser que le mieux est bien de réunir toutes les provisions au même endroit. De quoi me servent des provisions si dispersée. […] De plus – c’est peut être assez sot, mais il faut dire la vérité – l’amour-propre souffre toujours quand on ne voit pas ses provisions en un seul tas, quand on ne peut embrasser d’un seul coup d’œil tout ce qu’on possède. Et puis bien des choses ne risquent-elles pas de se perdre avec toutes ces répartitions. Je ne peux pas passer mon temps à galoper à travers mes boyaux de secours et mes galeries transversales pour savoir si tout va bien. Le principe d’une répartition des provisions est juste en soi, mais seulement quand on dispose de plusieurs endroits du genre de ma place forte. Plusieurs endroits de ce genre là ? Evidemment ! Mais qui les bâtirait ? D’ailleurs je ne peux plus, après coup, les situer dans le plan d’ensemble. J’accorde qu’il y là un défaut du terrier comme il en est en toute chose dont on possède qu’un exemplaire. Et j’avoue aussi que, tout le temps que je travaillais à mon terrier, je sentais confusément, encore qu’assez nettement pour pouvoir prendre une décision, qu’il fallait en bâtir plusieurs ; je n’ai pas cédé à cette idée, je me sentais trop faible pour un aussi formidable travail. Je me sentais même trop faible pour m’en représenter la nécessité ; je me consolais avec des sentiments qui n’étaient pas d’une moindre obscurité, je me disais vaguement que ce qui ne suffisait pas d’ordinaire suffirait dans mon cas, par hasard, par don gratuit, probablement parce que la Providence tenait à la conservation de ce front qui me servait de marteau-pilon. »

Revient alors la question de la Forme Globale de l’Œuvre. Doit on tout dire dans ce film, dans ce livre, dans cette image ou doit on produire une série, des fragments où le sens serait à la fois dilué dans la multitude et plus concentré dans des œuvres plus courtes. Le sens se dissout il dans la multiplication des œuvres ou au contraire se dévoile t-il mieux dans la pièce unique ? Kubrick ou Godard ? Mallarmé ou Michaux ? Leonard ou Picasso ? Maitrise ou dissémination?
Et puis cette question incessante sur le Sens de ce que l’on dit. Est-ce assez intense ? Cela suffit il à irriguer une Œuvre ?Le monde aura-t-il pitié de mes méninges peu ménagés ?

Redoute

« Enfin maintenant j’ai ma place forte, mais l’obscur sentiment qu’elle puisse suffire seule a disparu de ma conscience. »

« A la suite de ces périodes, j’ai besoin de me ressaisir ; je passe l’inspection de mon terrier et après avoir amorcé les perfectionnements nécessaires, je l’abandonne fréquemment, quoique toujours pour peu de temps. ».

Même une fois l’œuvre construite, on n’est pas garanti de sa solidité. Sur de rien. Sur du rien.


Origine d’une œuvre et Critique

« […] il n’est d’ailleurs pas facile d’évoluer dans ce secteur, car j’y ai creusé un labyrinthe de boyaux déconcertants ; c’est par là que j’ai commencé mon terrier ; à ce moment je n’vais pas le droit d’espérer que je pourrais jamais le finir conformément aux exigences de mon plan : j’avais donc commencé dans ce coin moitié par jeu, et ma prime ardeur au travail s’était traduite et déchainé dans les labyrinthes en zigzags qui me paraissaient être le summum de l’art en matière de terriers, aujourd’hui je n’en juge pas de même, je les considère, sans doute plus justement, comme des hors-d’œuvre trop mesquines, indignes de l’œuvre complète ; il sont sans doute très précieux théoriquement […] mais ils sont constitués en réalité d’un jeu fragile, ils ne résisteraient pas à une attaque sérieuse ni aux efforts d’un ennemi qui combattrait avec la rage du désespoir. Dois-je donc rebâtir toute cette partie ? J’hésite toujours à la faire et elle restera sans doute comme elle est. Indépendamment de l’énorme besogne qu’exigerait cette modification, elle m’exposerait aux pires dangers. Autrefois, au début, je pouvais travailler là d’une façon relativement paisible, le risque n’y était pas plus grand qu’ailleurs, mais aujourd’hui ce serait appeler presque à plaisir l’attention du monde sur tout le terrier : aujourd’hui ce n’est plus possible. J’en suis presque content, je me sens une faiblesse pour cette œuvre de mes débuts. […] Mais à une attaque de grand style il faudrait que je cherche tout de suite à opposer les ressources du terrier au grand complet, toutes les forces de mon corps et de mon âme, c’est évident. Aussi l’entrée peut-elle rester telle quelle, le terrier a de toute façon tant de points faibles imposés par la nature qu’il peut bien conserver aussi les défauts qui lui viennent de moi que je connais à fond, encore que cette science me soit venue qu’après coup. ».

Ah les œuvres de jeunesses, à la fois formatrices et ratées. Jean Santeuil et Novembre. Ces premiers textes qui ne résisteraient pas à une critique trop sévère. Doit on les montrer, les refaire, les détruire. Pourtant vecteur d’une certaine bienveillance, celui d’un temps où l’on œuvrait dans l’ombre, sans ambition d’être vu ou lu. Ne pas chercher à trop les défendre, les exposés comme des petits enfants, innocents et sans dents.

Œil extérieur
« […] il me semble parfois que ma peau s’amincit, que je vais rester là, la chair nue, et que je vais être salué, juste à ce moment par le hurlement de mes ennemis. Sans doute la sortie […] suffit-elle par elle-même à provoquer ces sentiments malsains, mais c’est quand même sa construction qui me tourmente au premier chef. ».

Même si le regard de l’autre peut encenser comme dénuder, le souci principal reste la construction de l’œuvre, la critique n’est que supplément, excédant. Reste que si montrer ce que l’on fait est une question secondaire dans l’ordre des tourments, elle pose aussi la question du jugement, du hurlement contre ce qui nous constitue.

Délire

« Il m’arrive de rêver que je l’ai modifiée, que je l’ai transformée de fond en comble, à toute vitesse, en une nuit, avec des forces de géant, sans que personne ne s’en aperçoive, et qu’elle est maintenant imprenable. »

Souvent la nuit, les phrases et les idées me viennent, que je crois géniales, inédites, incroyables, exponentielles. Mais la plupart du temps je ne m’en souviens pas au réveil, et si par hasard j’arrive à me remémorer ma pensée, je la trouve bien fade.

Fondation

« Je me sens furieux et touché à la fois quand je me perds un instant au sein de mon propre ouvrage et qu’il a l’air de chercher encore à me prouver sa raison d’être, à moi dont le Siège est fait depuis si longtemps. »

Finalement on en revient à la cause originelle de la Création d’une œuvre. Pourquoi ? Quelle voix puis-je apporter ? Quel sens puis-je construire ? Quelles formes puis-je inventées ?

Je n’ai tout simplement pas le choix. Le monde m’entoure par son indifférence, sa complexité, sa démesure. Il m’assiège. Pour lui résister je dois construire une membrane de protection qui s’appelle l’Expression, l’Idée, la Forme, l’œuvre, qui non seulement me protégera ne me donnant un horizon, mais en plus, si elle est réussi, donnera une couleur au monde, ma couleur, individuelle. Déteindre sur le Monde. En lui proposant un nouveau sens, infime, mais qui pourra être discuté, voire aimé.

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